« Vice-Versa », film métaphorique sur les émotions

Affiche Vice-Versa

« Vice-Versa », voilà un titre que j’ai trouvé étonnant pour un film… parlant d’émotions ! « Inside out » le titre anglais, me paraît plus à propos lorsque je le traduis en « faire sortir ce qui est à l‘intérieur ». Mais ce n’est qu’un détail de l’histoire que je ne vous raconterai pas ici. Mon propos est davantage de vous suggérer, avec la fête du cinéma qui commence ce dimanche, d’aller voir ce film. Pourquoi ? Parce que je l’ai vu hier avec six enfants de 3 à 15 ans qui ont adoré ? Éventuellement, mais pas que !

Vice-versa c’est un film Disney-Pixar qui s’intéresse à une année de vie d’une pré-ado de 11 ans et des émotions qui se bousculent à l’intérieur d’elle. Et ce qui m’a plu dans ce film, c’est avant tout la justesse de la psychologie humaine sur les mécanismes des émotions primaires associés à la mémorisation. Le tout est certes traduit métaphoriquement mais tient bien compte d’éléments scientifiques réels.

Rencontre avec ses émotions

Les émotions sont au nombre de cinq et ont des couleurs et des apparences caractéristiques :

  • La Joie est une fille légère aux cheveux bleus, aux grands yeux bleus émerveillés, et qui fourmille de nouvelles idées créatrices ; elle est habillée d’une robe verte et, telle une étoile, brille dans la nuit ;
  • La Tristesse est une fille à la forme d’une larme, toute bleue, qui semble porter la misère du monde sur ses épaules rentrées ;
  • La Colère est un homme tout rouge (même les yeux !), à la bouche toujours ouverte, de forme cubique et qui, lorsqu’il s’énerve, se transforme en volcan !
  • La Peur est un homme violet, tout grand, tout sec, les yeux exorbités, qui crie ou part en courant au moindre danger ;
  • Le Dégout est une fille toute verte, les yeux souvent vers le ciel et la moue facile, marquant régulièrement sa désapprobation quant à la situation.

Au travers du personnage principal, la jeune Riley, le spectateur voit ces émotions négocier entre elles et comprend comment leurs actions sur le tableau de bord influent directement, en fonction de ce qu’il se passe dans son quotidien, sur ses attitudes et comportements avec elle et avec les autres. Mais attention, aucune n’est bonne ou mauvaise, toutes ont un sens, une fonction, une utilité, et c’est bien la réunion de toutes ces émotions qui nous font avancer et nous permettent de vivre au mieux, en toute sécurité, les changements que nous proposent la Vie.

En préparation mentale, lorsque des conflits naissent dans l’esprit de l’athlète, l’étudiant ou le professionnel en entreprise, je travaille avec eux sur les aspects de « dialogue intérieur » et « gestion des émotions ». Souvent, la perception des évènements diffère selon l’angle de vue : cela est très bien expliqué dans le film où une même scène de fin de match de hockey sur glace est évoquée par Joie et par Tristesse de façon diamétralement opposée. C’est à ce moment-là qu’il est primordial de bien distinguer « Faits » et « Opinions » (car, comme cela est dit rapidement dans une scène du film : « Oui, mais on confond tout le temps ces deux notions ! »).

Fonctionnement de la mémorisation

Au sein du poste central où se situent les émotions dans le film, apparaissent des boules de souvenirs instantanés, avec images et sons, de ce qu’il vient de se produire. Chaque boule prend alors la couleur de l’émotion dominante associée et reste stockée sur une étagère. Chaque entrée dans le sommeil permet de se délester de toutes ces sphères qui partent se stocker dans la mémoire à moyen-long terme. Certaines partent même en direction d’îles pour renforcer leurs bases et continuer d’y croire, et ainsi consolider les valeurs de l’être. Pour Riley, on y trouve l’île de la Famille et celle de l’Honnêteté par exemple.

En préparation mentale, je travaille souvent, en particulier avec des étudiants préparant examens ou concours, sur ces aspects de « mémorisation », de « croyances » et de « valeurs ». En PNL (Programmation Neuro Linguistique), croyances et valeurs sont des filtres à travers desquels nous percevons le monde extérieur. Ce film et les métaphores employées font ressortir des éléments primordiaux de la constitution de notre mémoire comme, entre autres :

  • l’attention (ou concentration) au moment où un évènement se produit et qui permet aux images et aux sons d’être clairement enregistrés ;
  • l’association avec une émotion qui permet d’ancrer plus profondément, de par la colorisation de la sphère, le souvenir,
  • l’activation régulière des souvenirs ou des connaissances, permettant aux « aspirateurs » de ne pas les envoyer, parce qu’ils n’ont pas été activés depuis trop longtemps, dans le subconscient ;

Et dans la tête des autres, comment cela se passe ?

Le film était déjà très instructif en approfondissant le monde des émotions de l’héroïne, Riley. Mais quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître les émotions d’autres personnages tels que le père ou la mère dans les interactions avec leur fille. Je vous conseille d’ailleurs de rester assis lors du générique de fin où vous découvrirez, avec beaucoup d’humour, mais tellement de justesse, les émotions d’un chauffeur au volant d’un bus rempli d’enfants qui hurlent, ou d’un chien attiré par de la nourriture en pleine rue, d’un chat apeuré, et bien d’autres surprises…

En thérapie ou en coaching, combien de patients ai-je eu dont la demande était de comprendre l’attitude désintéressée du partenaire lors d’un moment important de partage ? Cette scène de dîner avec Riley, sa mère qui l’interroge sur son jour de rentrée des classes et son père qui est ailleurs ne sera-t-elle pas un déclic chez la plupart pour tenter de se projeter dans le monde intérieur de l’autre, en imaginant les petits personnages aux commandes ?

Personnellement, j’ai trouvé passionnantes les interactions extérieures entre les trois personnages de cette scène, tandis que les émotions intérieures de chacun nous étaient également offertes. Ou comment une communication très factuelle peut laisser la place aux émotions les plus destructrices et où la Communication Non Violente (CNV) aurait permis d’apaiser les tensions naissantes pour continuer de construire la relation.

Un film à déguster, comme un vieux souvenir d’enfance

Ce film, dont chaque élément semble avoir été capté en un seul visionnage par mon esprit Conscient, a surtout été intégré au plus profond de mon Inconscient puisque chaque image, chaque chanson ou mot a été associé à une émotion. Mettre des petits personnages sur mes émotions et celles des autres, moi qui ai une mémoire dominante « visuelle », a permis au praticien que je suis de continuer d’apprendre et d’enregistrer, afin de créer de nouvelles métaphores lors de mes séances à venir. Et il me semble modestement avoir grandi émotionnellement au visionnage de ce film.

Par ailleurs, à entendre les spectateurs à la fin de la séance, petits ou grands, demander à l’autre quel personnage a « appuyé sur le bouton » lorsque papa et maman proposent un restaurant après le film, lorsque le paquet de popcorn finit par terre, ou lorsque une moto se met à vrombir dans la rue d’à côté, je me dis que le succès de ce film ne pourra apporter que de belles réactions dans la compréhension de ce qu’il se passe dans notre tête, mais aussi imaginer plus justement ce qu’il se produit dans celle de notre interlocuteur pour mieux comprendre et accepter.

Émotion éphémère ou émotion dominante (certains ne sont-ils pas davantage joyeux, peureux ou colérique ?), chaque spectateur peut désormais choisir, en Conscience et grâce à ce film, de laisser s’exprimer une émotion… ou une autre ! Et par conséquent, de continuer de construire les « îles » de son choix et de détruire celles dont il n’a plus besoin…

Enfin, voici la critique lue dans l’Express : « C’est sans doute le film d’animation le plus intelligent jamais réalisé. Qui permet aux enfants de mieux se connaître et aux parents de mieux les comprendre. Qui joue avec l’imaginaire, tout en apprenant à ne pas céder aux illusions. Et il n’est pas exagéré de penser que ce long-métrage restera une référence en pédopsychiatrie- et en cinéma bien entendu. ».

Au fait, si certains mots ou expressions employés dans mon article vous sont encore inconnus mais qu’ils vous intriguent, c’est qu’il est temps pour vous de profiter de la fête du cinéma pour aller voir « Vice-Versa » ! 😉