« L’hypnose de spectacle de type « Messmer » vs l’hypnose thérapeutique d’un praticien : le match ! »

Depuis que Messmer, l’hypnotiseur canadien, envahit les écrans de télévision français et que les médias se sont emparés du phénomène, de nombreuses personnes me posent des questions sur la réalité de l’état des personnes hypnotisées et sur les différences entre l’hypnose pratiquée en spectacle et celle pratiquée en cabinet, comme un outil de préparation mentale ou comme thérapie.

Le 5 février dernier, Messmer était au Pasino d’Aix-en-Provence et j’en ai profité pour aller voir, écouter et observer l’ambiance et les personnes présentes pour comprendre ce qu’il se passe et quelle comparaison je pouvais faire entre ce qu’il pratique à grande échelle et ce que je pratique en cabinet.

L’intitulé du spectacle de Messmer était prometteur « Messmer, Le Fascinateur, vous fait vivre une expérience interactive unique à partager, pleine d’humour et d’émotions fortes. A l’aide des techniques d’hypnose, de transfert d’énergie et de magnétisme, il invite le spectateur à entrer dans son laboratoire intemporel et expérimental pour d’incroyables aventures aux confins du subconscient, sans aucun trucage. »

Et je n’ai pas été déçu… Tout d’abord, le personnage est captivant et précis, aussi bien dans ce qu’il demande au public que dans les explications qu’il distille tout au long du spectacle et qui sont à la fois claires et justes. Il parle d’ailleurs de l’hypnose thérapeutique qu’il a pratiquée durant de nombreuses années, et il fait même de la publicité aux « hypnologues » (il est québécois rappelons-le) référencés dans des annuaires sur internet. Merci pour la pub !

Que signifient « Inconscient » et « Conscient » ?

Avant de détailler les analogies et les différences des pratiques, un rappel sur la définition de l’Inconscient et du Conscient tels que je les emploie ici.

L’Inconscient est le réservoir des savoirs, apprentissages, compétences et connaissances. Il est aussi un régulateur de nos fonctions biologiques à notre insu. Ses possibilités, immenses, permettent, en hypnose, d’aider dans la résolution d’un objectif.

Le Conscient, c’est la conscience du « Moi » ici et maintenant, c’est-à-dire ce que nous faisons avec attention et réflexion. Le Conscient ne peut traiter que quelques informations (par un ou plusieurs des 5 sens) par seconde, pendant que l’on peut émettre l’hypothèse que l’Inconscient en traite bien plus.

Qu’est-ce que l’hypnose thérapeutique et comment le praticien s’y prend ?

L’hypnose est un état naturel qui permet à l’Inconscient de libérer tout le potentiel d’informations et d’expériences qu’il a stocké hors du champ Conscient. Accompagnée par un praticien vers un État Modifié de Conscience (état naturel qui se produit toutes les 90 minutes [rythme ultradien]), la personne franchit, durant et après la séance, les limites posées par le Conscient pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé.

Cet état est expérimenté chaque jour par tous sans le savoir : en conduisant, en regardant un film, en lisant, en surfant sur internet, en lisant cet article… Perte de la notion d’espace (lieu où l’on se trouve ?) et de temps (combien de temps s’écoule depuis le début de l’action ?).

Le praticien n’impose jamais rien mais propose à son patient de trouver des éléments ressources, un lieu confortable et agréable, des couleurs, des sons, etc. Par exemple, « Vous pouvez lever la main droite… ou l’autre… tout en respirant à votre rythme… qui peut s’accélérer… ou ralentir »… Tout est toujours possible et imaginable, et doit le rester.

…Et l’hypnose de spectacle, en quoi est-ce différent ?

L’hypnose de spectacle doit contenir de l’humour, un brin de magie et du sensationnel, mais surtout cela doit fonctionner ab-so-lu-ment !

La façon de parler de l’hypnotiseur est très différente du praticien en hypnose et est significative de l’hypnose classique (première forme d’hypnose, c’est celle utilisée par nos aïeux et par certaines personnalités du Music-Hall, dont Messmer) : elle est dominante et directive. Aucun choix possible : « Vos doigts sont collés, serrés, serrés, collés, impossible de les décoller ! ».

Le succès de ces spectacles passe par une sorte d’ « effet domino » : une fois que le premier est tombé, si les suivants sont correctement positionnés, ils tombent aussi ! Dans la salle sont présentes des personnes qui seront sensibles aux suggestions de Messmer, d’autres qui se prendront au jeu durant le spectacle en voyant membres de la famille, amis ou voisins de sièges se lever et accomplir ce que demande le « fascinateur », et une dernière catégorie qui restera spectateur sceptique.

Messmer ne s’embarrasse d’ailleurs pas de ceux qui ne tomberont pas sous son emprise, et c’est normal, cela fait partie du jeu. Il s’emploie pour identifier rapidement la première catégorie et commence à amadouer la deuxième en utilisant des tests préliminaires, que je ne détaillerai pas ici, mais qui sont connus des personnes formées en hypnose.

Tout le monde est-il hypnotisable ?

Seules 10% des personnes sont sensibles aux suggestions proposées en spectacle et sont de « bons sujets » (dixit Messmer) : ils sont repérables et sélectionnés assez rapidement.

En revanche, l’hypnose thérapeutique étant permissive, elle fonctionne avec 100% des sujets.

Quel est mon niveau de contrôle lors d’une séance d’hypnose thérapeutique ?

Lorsque vous êtes en transe hypnotique, vous gagnez en contrôle sur vous-même : cet État Modifié de Conscience va vous permettre de décupler la créativité, les capacités d’apprentissages, de mémorisation et de souvenirs, comme de modifier la perception de l’écoulement du temps.

… et lors d’un spectacle d’hypnose ?

Seul le contrôle sur soi-même, à écouter Messmer, semble perdu, puisque la perception déformée du temps est bien présente et que d’autres expériences montrent des capacités de modifications de comportements par rapport à un état ordinaire de conscience. Il parvient par exemple, pendant quelques minutes, à faire disparaître une phobie, à faire oublier comment compter ou lire l’heure.

Pour autant, il précise également que les personnes présentes sont consentantes à ce qu’elles font, et qu’elles ne feraient pas certaines actions demandées si elles ne le souhaitaient pas.

Y-a-t-il des risques à utiliser l’hypnose, en cabinet ou en spectacle ?

Des risques non, mais des précautions à prendre certainement : c’est pourquoi le praticien doit être dûment formé afin de reconnaitre les signes d’un Inconscient qui serait trop fragile et pourrait subir des dommages (on parle de « décompensation psychique »). Lors de son spectacle, Messmer veille à ce que ces profils ne fassent pas les tests préliminaires et assistent en simples spectateurs à ce qui va se produire.

Soulignons également qu’en thérapie comme en spectacle, l’homéostasie (« capacité d’un système à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes extérieures ») de chaque être le protège de ce qui va à l’encontre de son intégrité. De plus, le phénomène hypnotique disparaît de lui-même au bout d’une vingtaine de minutes.

Dans quels cas l’hypnose thérapeutique peut être utilisée en préparation mentale ?

Je me suis formé à l’hypnose thérapeutique. Elle fait partie des outils que je peux utiliser lors de séances de préparation mentale consistant à transformer un stress bloquant en « bon stress », à être plus efficace et atteindre ses objectifs (compétition, entretien, examen), à être prêt(e) le jour J, à développer la concentration, la confiance et l’estime de soi, à favoriser les apprentissages ou optimiser ses révisions.

Mais rien n’est décidé par avance et d’autres outils existent pour aider les sportifs ou les étudiants à relever ces défis.