Tennis : prise de conscience (« insight ») durant une séance de préparation mentale
Le métier de Préparateur Mental réserve régulièrement de belles surprises : chaque séance est unique et la personne accompagnée et moi sommes parfois surpris de ce que l’on y trouve. Et lorsque « l’insight » jaillit pendant l’entretien, cela devient magique…
Voici l’exemple d’un joueur de tennis que j’accompagne, classé 2/6 à 16 ans, qui démarre sa 6e séance en me parlant de son dernier match où il s’est « senti très mal ». Il a gagné, mais « ce match l’a gonflé ».
Comment un tel début de séance peut déboucher sur une prise de conscience de lui, de sa tête, de son corps et ainsi l’aider durablement pour les prochaines échéances ?
Voici comment s’est déroulée cette séance de préparation mentale que je prends plaisir à partager avec vous ce jour, tout en respectant la confidentialité sur l’identité de l’athlète accompagné.
« Ça me crispe, je joue petit bras »
Il me décrit d’abord la situation suivante : dans le 1er set, les joueurs sont à 4-4, 0-30 pour l’adversaire sur son service… Et là, il s’énerve car il ne parvient pas à « breaker » (prendre le service de) son adversaire et a des difficultés sur son propre service. Il se rend compte alors qu’il n’est pas en confiance.
L’entretien d’explicitation que je pratique permet de décrire ce manque de confiance qui affecte dans l’ordre :
- Le haut de son corps :
- « Je n’arrive pas à lâcher mes coups »
- « J’ai de mauvaises sensations avec ma nouvelle raquette »
- Sa tête :
- « Je n’arrive pas à le breaker »
- « Ça me rappelle 2 autres matchs perdus au 1er tour »
- « Ça me crispe, je joue petit bras »
- Ses jambes :
- « Ça bouge pas comme je voudrai que ça bouge »
- « J’ai du plomb dans les jambes ; ça se situe dans mes cuisses, le même poids des deux côtés »
- « Je ne fais pas « des pas d’ajustements », mais « des pas de désajustement » »
Respiration, encouragements et relâchement
Pendant l’entretien, il se rend également compte qu’il s’encourage plus facilement lorsque c’est simple pour lui dans le match, mais moins lorsque cela devient plus dur…
A la question de trouver une situation d’entraînement « dure » qui lui permettrait de tester et s’habituer à respirer et s’encourager, il dit qu’il s’encourage pendant les entraînements, mais il prend conscience aussi qu’il ne respire pas beaucoup…
J’apprends peu après que « ça le gonfle de s’étirer »… Tiens tiens, ce terme a déjà été employé en parlant du match (cf. début de séance)… Dans l’écoute active, je rebondis naturellement sur le « ça me gonfle » et lui propose de profiter de ce moment pour respirer… Ce qu’il fait volontiers, car cela l’aide à « prendre du recul et trouver ses réponses ».
Ensuite, nous choisissons d’affiner sa routine de performance dans les moments durs, afin de revenir dans le match, même si physiquement cela devient compliqué :
- Je respire
- Je m’encourage
- Je gagne le point (et si je perds le point, je recommence jusqu’à gagner le point)
- Je m’encourage
Lorsqu’il s’encourage, il serre fort le poing, et me dit que ça lui permet de relâcher… Puis il dit alors cette phrase que je trouve remarquable : « Quand je suis relâché sur l’encouragement, je suis crispé… et quand je suis crispé sur l’encouragement, je suis relâché ! ».
Nous nous arrêtons quelques instants sur ce qu’il vient de dire, et je lis sur son visage qui s’éclaire une vraie prise de conscience sur une attitude qui n’était pas consciente pour lui. Cette « prise de conscience » est également appelée « insight », c’est-à-dire la découverte soudaine de la solution à un problème sans passer par une série d’essais-erreurs progressifs.
En fin de séance, il résumera l’insight du jour par :
- « J’ai pris conscience aujourd’hui que la crispation dans l’encouragement me décrispait dans le jeu, tandis qu’une décrispation dans l’encouragement me crispait dans le jeu »,
- « Je peux me relaxer en respirant lors des étirements pour m’entraîner à des moments « qui me gonflent » en matchs ».
Mise en application concrète
Ces points lui servent désormais pour des rendez-vous importants, lorsque de nouveau il peut avoir tendance à s’énerver ou à se crisper. Sa routine se met en route immédiatement et son corps se détend au fur et à mesure que ses encouragements sont nourris et que son poing se serre fort.
Voilà une belle expérience que je souhaitais partager avec vous, avec une profonde gratitude pour cet athlète et tous les autres que j’ai la chance de croiser en exerçant le métier de Préparateur Mental. 🙂